Citation :

Extrait du journal d'Everleigh Kovaleski.
Je ne sais pas ce que je ferais sans ma soeur, vraiment. On se dispute les trois quart du temps, on se balance des vacheries en se promettant qu'on ne se parlera plus jamais, mais la vérité, c'est que l'on ne reste pas fâchées très longtemps. On finit toujours par se rabibocher, souvent en achetant de nouvelles chaussures. Tu sais, cher journal, Laora, c'est un peu mon modèle dans la vie, même si j'ai envie de l'étrangler et que je trouve ses manières affreuses. On est différentes, mais plutôt du genre complémentaires. Je la calme et la fait réfléchir avant d'agir et elle, et bien, elle s'applique à me dévergonder. C'est ma soeur, mon ancre, mon repère dans la vie, je ferais tout pour elle. Même vendre ma collection de chaussure – paix à mon âme. Non, trêve de plaisanterie, il ne faut pas pousser le bouchon, quand même. C'est une fille géniale, elle me comprend en un regard et elle me connait mieux que moi-même, elle sait ce qui est bon pour moi et me crie dessus quand il le faut. C'est la grande soeur parfaite. Excepté lorsqu'il lui prend l'envie de me dire mes quatre vérités. Car Laora, c'est quelqu'un de franc qui ne tourne pas sa langue sept fois dans sa bouche avant de parler. Mais je suppose que c'est pour ça que les gens l'aiment. Parfois, je me demande si elle n'a pas ensorcelé tout le monde dans cette ville, ils lui mangent tous dans la main et pourtant, Dieu sait que ce n'est pas facile d'être proche d'elle. Elle est capricieuse, bornée, sans scrupules et autoritaire. Une vraie petite cheftaine. Enfin, l'amour (ou la faune de Little Rock) est aveugle et ne voit que sa plastique de rêve et son statut social d'enfant parfaite chrétienne et douée dans les études. La meilleure belle-fille dont on puisse rêver, n'est-ce pas ? Sauf que Laora, c'est une Don Juan au féminin qui suscite le désir aussi bien chez les hommes que je chez les femmes.

« Tu sais à quoi tu ressembles dans cette robe ? » Tu fronças les sourcils, pas sûre d'avoir envie d'entendre la réponse. Ta soeur se tenait devant toi, les mains sur les hanches, agitant négativement son adorable tête blonde. Tu soupirais, depuis que tu avais accepté de l'accompagner à cette stupide soirée, elle n'avait cessé d'être sur ton dos. « On sort ce soir Everleigh. Dans une boîte de nuit, tu sais, un endroit où les gens s'amusent. » Tu ne relevais pas, tu savais que Laora n'avait pas vraiment une opinion favorable quant à ta façon d'aborder la vie. Elle te trouvait ennuyeuse, trop prévisible, vieux jeu et étroite d'esprit. Tu souris en toi-même, elle te reprochait souvent d'être trop sage, mais tu n'échangerais pour rien au monde ta vie de gentille chrétienne étudiante en biologie pour sa vie à elle. Laora sortait presque tout les soirs, tenait l'alcool comme un camionneur, dansait sur les bars, portait des pantalons en cuir, jurait et s'envoyait en l'air avec tout la faune de Little Rock. Filles compris. « Retire ta robe de grand-mère et enfile ça. » Elle te tendit un minuscule bout de tissu noir. « Et le bas ? » Elle ouvrit grand ses yeux bleus en te regardant comme si tu venais de lui demander à quoi servait un téléphone portable. « C'est une robe. Tu me fais peur Everleigh parfois. Je pense que tu devrais arrêter de fréquenter toutes ces vieilles peaux de l'église, j'ai l'impression d'avoir à faire à une femme mariée de quarante ans, hors tu n'as que vingt ans et ta vie est ennuyeuse à mourir. » « Merci pour la consultation docteur Freud, grognas-tu. » Tu retiras ta robe pour enfiler celle de Laora. Tu regardas ton reflet dans le miroir avant de faire une petite grimace. Tu ressemblais à une de ces filles bas de gamme qui s'habillaient comme des prostituées pour attirer l'attention des garçons. « Je peux pas sortir comme ça. » « Oh allez Everleigh, c'est mon anniversaire, tu pourrais paraître désirable pour une fois, non ? » Tu grognas, blessée. D'accord, tu n'étais peut-être pas la fille la plus sexy du monde, mais elle n'était pas obligée de te le rabâcher sans cesse. Tu pensais que l'amour n'avait pas besoin de tenue aguichantes pour pointer le bout de son nez. Tu redoutais déjà ce qui allait se passer ce soir-là. Tu n'avais été qu'une fois ou deux en boîte de nuit, et tu t'étais sentie comme un poisson hors de l'eau. Tu étais discrètement restée assise sur une banquette en repoussant des hommes éméchés un peu trop entreprenants. « Tu verras, tu vas bien t'amuser. A condition que tu décides de desserrer les fesses. » Tu grimaçais, pas franchement convaincu. Toi, prendre du bon temps dans un bar dédié aux homosexuels en tout genre ? Tu en doutais. Ce n'était pas que tu étais contre-eux, non, pas vraiment, mais pour toi, c'était difficilement concevable. Après tout, l'espèce humaine était faite pour se reproduire, et deux membres du même sexe ensemble ne contribuaient pas vraiment à cet objectif suprême. « Permet moi d'en douter. » « Je te présenterais Clara, tu verras, tu vas l'aimer. » Clara, sa petite-amie du moment. Tu te mordais la lèvre inférieure. Tu savais que ça allait définitivement être bizarre. Après tout, ta soeur, que tout le monde prenait pour une autre progéniture parfaite made in Kovaleski, était une débauchée bisexuelle dépravée et fière de l'être. Tes parents lui hurlaient régulièrement dessus, espérant qu'elle rentrerait ainsi dans le droit chemin, mais Laora était un électron libre et avait décidé que sa vie ne lui serait pas dictée par sa famille. Parfois, tu l'enviais quelque peu, même si tu préférais te couper une main plutôt que de l'avouer et de renforcer ainsi son égo déjà immense.