Les veines palpitant de stress. « Mademoiselle.. Siobhán McClary ? Changement de nom accordé pour Skyler Logan Barrett. Bienvenue en Amérique d'avance, mademoiselle Barrett, alors.
- … Merci. » La voix étranglée.

Seigneur, accorde à tous les hommes, à tous ceux qui te cherchent avec un cœur droit et sincère, d’avancer sans peur vers la plénitude de la lumière. Nous te prions.

Me voici face à toi, les yeux clos, les mains jointes et les genoux sur ce sol froid qui n'est qu'un rappel de ma vie future. Sombre, glaciale, miséreuse. Bien que ma foi ait été sans limite jusqu'à présent, c'est elle qui m'a conduite dans cette abîme de solitude, au lieu de me libérer de mes pêchés involontaires, tu m'as condamnée alors que je n'ai fait que suivre ta voie. J'ai accepté ton amour inconditionnel, dépassant les défauts que tu m'as donnée car c'est ainsi que tu m'as voulu. Aujourd'hui, tu m'as fait perdre. Dieu, mon père, il est impossible de gagner contre toi, tu es tout puissant et ma vision n'a été qu'un leurre jusqu'à présent. Bien que je croie en toi du plus profond de mon cœur, tu m'as aveuglée de rancœur envers mes parents, que je devrais respecter. Tu m'as rendue vulnérable, faible, tu m'as détruite alors que j'attendais ton salut. Je ne vois plus ton chemin baigné de lumière, les enfers m'attendront à mon dernier souffle, cuisant mon cœur de tristesse. Pardonnez-moi, père de tous les hommes, car j'ai été à ton encontre. Je l'ai aimée. Sincèrement. Les larmes ne m'ont pas purifiée, je suis salie à l'éternité. Une blessure insoutenable, qui ne cicatrisera jamais. Je ne mérite pas ton pardon, j'en suis conscience mais...Sa peau été si douce, son cœur valsait avec le mien dans la mélodie du bonheur. Il a fallu que tu invoques ta fausse note qui brisa mes rêves, parce que j'avais pêché et que tu ne pouvais pas me pardonner. Alors, Seigneur, je dois tirer le rideau et m'enfuir dans un fondu au noir. Pardonnez-moi mon père à l'amour infini, pardonnez-moi mon père parce que j'ai pêché. Pardonnez-moi, Seigneur, parce que je ne peux plus ni avoir confiance en toi, ni croire en toi. Pardonnez-moi, mon Dieu, parce que ma foi s'est éteinte avec mon amour. Pardonne-moi. Je ne verrais plus ta lumière.

J'attends la renaissance, le printemps, l'ouverture des fleurs sous le soleil chaleureux qui jouait à cache-cache durant l'hiver. Pourtant, ce renouveau ne sera pas celui attendu cette année. Dix-sept ans. Rimbaud disait : « On est pas sérieux quand on a dix-sept ans. » J'étais amoureuse. Du bout des doigts, je traçais les courbes de mon amante et embrassais ses lèvres dans un nœud de membres qui dénonçaient un besoin de se retrouver sous les étoiles de la nuit qui brillaient et les rayons de lune qui transperçaient mon cœur à travers ma fenêtre. Liadan. La plus belle œuvre de notre Seigneur, ses yeux verts brillants, ses longs cils bruns hypnotiques, ses cheveux noisettes sauvagement ondulés, ses trois grains de beauté en triangle dans son cou, sa peau pâle laiteuse, embaumant la rose, une biche humaine, un appel à la douceur et la tendresse. Liadan. Celle qui m'enivre. Ses longs doigts de fée effleurent ma chaîne où pends ma croix, elle sourit dans une délicatesse inégalable. Elle chuchote de sa voix velouté une promesse qui fait se relever chaque pore de ma peau dans un frisson amoureux. « Nous attendrons mon amour, car nous nous aimons pour toujours, je serais là pour t'attendre jusqu'à ce que Dieu reconnaisse notre union. » Les larmes manquent de m'échapper, je plonge mes lèvres contre sa nuque, lui arrachant un rire. Une beauté qui masque la fatalité despotique des mes parents qui viennent d'ouvrir la porte, une expression d'horreur figée sur leurs traits. De ce printemps, je ne retiendrais que l'exclusion, la mortification, le noir, le sang, la douleur. Ce que je devais endurer pour mériter ce pardon qui ne viendra jamais. Ces cicatrices éternelles parsemant mon dos, ces cris et ces pleurs. La justice pour mes parents. « Le Christ a souffert pour vous, vous laissant un modèle afin que vous suiviez ses traces. » Et leurs paroles, baignés dans l'illusion et la croyance que je partageais avec eux : « Tu n'es qu'un monstre. Tu mérites tout ça. Tu as commis un pêché. Les femmes n'aiment pas les femmes, tu ne mérites pas notre Seigneur, tu devrais mourir. »

J'ai travaillé, sang et sueur comme on aime le dire. Pour me barrer de putain d'endroit, de cette prison, cette tour d'ivoire si belle qui s'effondrait sur elle-même. Des parents qui pensaient avoir purifié leur fille dont le dos était foutu à vie, de l'avoir lavée de cette 'maladie' immonde qu'on tait encore. Fuir l'atrocité d'une famille qui croit pourtant bien faire, dans l'illusion la plus parfaite des anciennes sitcoms américaines, avec l'orangeade et les petits biscuits. J'regarde les chaînes de télévision sur l'écran, qui défilent l'une après l'autre. Aucun intérêt. Et le bulletin de nuits, les drapeaux multicolores dans les rues de new-york, les sourires heureux, les visages rayonnants, l'amertume qui se décide en moi. Les valises qui se referment dans le silence de la nuit, le chapelet déposé sur un lit défait qui restera froid pour une durée indéterminée, une prière. La der des der, comme on disait pour la guerre, celle qui sévit dans mon être ne saura que tuer un seul innocent : mon cœur solitaire.

La tête au dessus des nuages et le cœur écorché, révélateur, morcelé qui se brise définitivement en se déchiquetant dans les réacteurs. Plus faut que le silence, la pensée de se rapprocher de Dieu n'est plus l'attrait. L'atterrissage, pitié, vite. Changer.

Le sac qui s'effondre dans un bruit lourd, soulevant la poussière d'un appartement miteux, un corps qui suit se même mouvement funeste, les membres endoloris jetés sur un vulgaire matelas qui gît sur le sol. Le plafond terne me fait les yeux doux, machinalement, je porte la main à mon cou. Un rappel glacial de l'absence de ce chapelet que ma mère m'a arrachée ce jour macabre où j'ai perdu ma biche, où j'ai vainement tenté de le rabibocher, comme pour réparer ma foi perdue. Ma folle mère, déchirant de ses griffes vernies cette peau qu'elle trouvait sale. La gorge qui peine à avaler cette putain de salive qui m'dégoûte. Mes yeux s'embuent, je peux prier ce dieu qui ne pardonnera pas ce péché. L'animation du quartier me file une remontée de bile acide, d'un craquement de muscles, j'me lève dans un putain d'équilibre inexistant, ferme les volets. Le noir profond, le néant, celui qui attends de bouffer ceux qui ne méritent pas le pardon. Un brève lumière dans les abysses de l'âme : pourquoi encore croire en mon Dieu de tolérance, si celui-ci ne croit plus en moi ? La triste vérité tombe sur mes frêles épaules : il n'y a plus rien. J'ai perdu ma foi, ma famille, mon pays, mes traditions, mon nom... Et mon amour. Repenser au goût de ses lèvres et cette voix qui me murmure dans l'oreille : il en valait la peine.