tu descendais dans l'eau si claire je me noyais dans ton regard le soldat passe et elle se penche se détourne et casse une branche tu flottes sur l'onde nocturne la flamme est mon coeur renversé couleur de l'écaille du peigne que reflète l'eau qui te baigne

Guillaume Apollinaire

Vous êtes vous déjà demandé ce que c'était d'être sur le côté de la route ? La grande route, celle où personne ne s'arrêtera. Vous êtes vous déjà demandé ce que ça faisait que de se demander si oui ou non, le choix était bon ? Et bien moi non. Je n'ai pas hésité. De toute manière, ça n'aurait rien changé que j'hésite. Je suis... foutue ? La musique dans ma tête ne cesse d'amplifier, elle répète des paroles de souffrance en boucle, et ma fragilité laisse passer l'affreuse migraine de la défaite. J'avance, un. Deux. Trois. Quatre. Cinq pas. Vous êtes-vous déjà demandé ce que ça faisait d'être au centre d'un côté d'une route ? Ce que l'on ressentait quand les phares d'un camion nous aveuglait ? A quoi l'on pensait ? A rien. Je n'ai pensé à rien. Rien, si ce n'est qu'à ma mère et ses multiples amis dans un seul corps. Rien, si ce n'est que mon père, inconnu au bataillon, sûrement un de ces riches entrepreneurs. Rien, si ce n'est que cette chose ignoble, cette petite chose chétive, inutile, morbide, perdue, ennuyée, ennuyante, pessimiste, monstrueuse, que j'étais, que je resterai dans leurs esprits. Vous êtes vous déjà demandé ce que ça faisait d'être frappée d'un telle violence qu'elle vous en couple le souffle, d'une telle violence que ça en devient agréable, d'une telle violence qui vous marquera ? Je ne me suis jamais demandé ces choses. Elles sont là. Le camion et ses phares trop hauts, la violence du choc. Époustouflant, c'est le cas de le dire. Les yeux écarquillés, j'ai fait face à ce sort que j'attendais depuis trop longtemps. Le sourire aux lèvres, j'ai accueillit ma nouvelle amie et ce qu'elle emmenait avec elle. C'était la seule solution, faire face, accueillir à bras ouvert. Mes lèvres ont laissé échapper un cri. Un cri, oui. Ni de douleur, ni de peur, mais bel et bien de bonheur. De soulagement. J'étais prête, je l'étais, vraiment. Mais pas assez à leur goût. J'ai vécut. J'AI SURVÉCUT.

C'était il y a trois ans, le monde a changé, j'ai évolué. Je n'ai pas sut remercier. Ou peut-être Marcy, Lily, Jean, Bonnie, et les autres vies que ma mère avait invité dans sa tête. Elle aussi, elle a changé, croyez-moi. Marcy, Lily, Jean et Bonnie ne sont plus. Merci les médicaments.