Polar opposites don't push away, it's the same on the weekends as the rest of the days and I know I should go but I'll probably stay and that's all you can do about some things.

Je crois que ne suis plus capable de ressentir la moindre émotion. Tout ce qui se trouve autour de moi m’échappe et je ne sais pas jusqu’où va voler ce papillon, combien de temps ces enfants vont suer à courir après cette balle ou si ce chien va, pour la troisième fois, faire un tour sur lui-même, et au fond, je n’y trouve aucun intérêt. Je me suis rendu au parc sans raison, avec l’intention de n’y rencontrer personne et je me suis assis en tailleur sur un banc, parce que celui-ci est très haut et que je déteste avoir les jambes pendues dans le vide avec l’impression d’avoir quitté la terre ferme. La terre ferme c’est à peu près tout ce qu’il me reste si je ne veux pas péter les plombs. Je m’ennuie constamment, et ça surtout depuis que ma relation avec Chuck s’est dégradée. J’avais l’impression d’être concrètement vivant quand elle me tenait par la main et me disait d’avancer, même quand ça n’avait pas beaucoup de sens. J’aimais justement qu’entre nous tout soit sans dessus dessous, sans quoi l’on n’aurait pas supporté de se côtoyer. Il fallait qu’on soit un peu stone pour se supporter, mais ça me convenait, et je m’aperçois que peut-être j’aurais du le lui dire avant qu’elle ne s’éloigne de moi pour s’approcher de quelqu’un d’autre. Je n’ai probablement pas été une distraction suffisante et cette pensée m’effraie. Comment est-il possible qu’on ait pu vivre, au même moment, des sensations aussi diamétralement opposées ? Je souffle. Je me pince le haut du bras pour m’assurer que je ne suis pas encore une fois dans les vapes, allongé quelque part où les murs sont crades et où l’air sent l’urine. Je suis bel et bien au parc et rien ne m’affecte. Je ne perçois pas les sourires, d’ailleurs je n’en reçois même pas. J’ai surement l’air trop éloigné de ce que les codes de la normalité dépeignent. Mes dents se serrent sans que j’y fasse attention et les os de ma mâchoire étirent la peau de mes joues dans une grimace de souffrance. Pourtant à l’intérieur c’est le vide complet.

Je me lève enfin et traîne des pieds dans plusieurs directions, visitant le parc pour la mille et unième fois sans rien découvrir de nouveau ou d’exaltant. Pourtant j’ai besoin de me sentir exalté. Pas seulement pour quelques minutes, le temps de recharger les batteries, non. Tout le temps, sans répit. Le bruit du vent dans les arbres crépite, mais mes yeux sont fixés sur mes pieds, sur mes chaussures qui sont dans un état lamentable bien qu’elles n’aient été achetées que quelques semaines auparavant. Je suis incapable de prendre soin de ce qui m’appartient ; je suis encore moins capable de prendre soin de ce qui n’est pas à moi. Mes pupilles s’arrondissent légèrement quand une seconde paire de chaussures, celles-ci plus présentables, paraissent juste en face des miennes. Je me redresse immédiatement et croise le regard d’Howie. Je voudrais qu’il m’observe de façon amicale, teintée d’une certaine distance, mais ce n’est pas ce que je vois. Ses yeux me disent « je ne vois rien d’autre en toi que ce qu’on a fait au camp d’été, et tu ne vois rien d’autre en moi non plus ». Les premiers mots qui me viennent sont « c’était il y a des milliards d’années ! » mais les prononcer à haute voix n’aurait aucun impact. Nous nous tenons sur une voie sans issue, dans une impasse. Je lui souris.