La trajectoire illogique d'un homme trop mort pour mourir. Des fragments de mémoire qui se mêlent dans ma boîte crânienne. J'ai traversé les univers, tracé ma route dans les entrailles d'un monde pour en découvrir un autre. Les lignes de cette histoire sont confuses, originaires d'aires inconnues. La survie incessante d'une pierre organique, débordant de sang au passage doucereux du tranchant des larmes. Se nourrir des impalpables pour danser avec les vagues de la furie. Il y a les échos de ces souvenirs au creux de ses yeux, son âme que je tiens contre mon cœur, dissimulé derrière l'abîme des pêchés. J'ai greffé mes veines aux siennes pour la promesse d'un infini. J'ai été jusqu'à capturer les derniers souffles d'une victime agonisante. Un pantin faussement libre, une illusion de violence pour la plus sincère des fragilités. On nage dans l'inconscience pour effacer la conscience. Des jeux, d'apparences et d'absolution. Une fuite, loin des principes et des ordres. Une insoumission dictée par la liberté, celle qui court et qui ne s'arrête jamais. L'euphorie du néant, qui m'a porté au creux de sa matrice. Supportant les poignards de la glace, de la froideur. J'étouffe les cœurs pour les briser. Pour faire taire leurs hurlements de douleur nauséabonde. Ils courent après la vie, j'ai toujours couru après la mort.

Réincarnation éphémère. Les os saillants, les yeux constellés par la propagation d'un mélange toxique. Le venin du scorpion dans les artères et le cœur cadenassé par les plaies béantes. Les cicatrisations du temps disparaissent. Les cheminements vers les remords s'éteignent et les courbes des maux passés se diluent dans l'enchevêtrement des corps. Le combat d'une résistance, d'une affirmation de soi. Les effluves enchantées de ma mère me rappellent les raisons de cette présence. J'ai déchiré les limites, choc entre deux univers. Le mien et le leur. La force de mes destructions m'a poussé à intervenir. Contre les agacements et les déceptions, il y a ma désinvolture qui dépasse l'entendement. Le mal injecté dans leurs veines, les silences qui clouent définitivement leur haine. Tout s'éteint entre mes phalanges et je marche encore. La nuit dessine les esquisses du jour et il s'éteint dans ses bras. L'étreinte des cadavres m'ensorcèlent et mes jambes faiblissent sous le poids des questions et des obligations. La noirceur de mes instincts, l'addiction à ces psychédélismes incontrôlés. J’accélère encore, croisant des fantômes, des lambeaux de chimères distendues par la fierté. Je les observe et je ris, d'un rire moqueur. D'un rire cruel car la désillusion a tout saccager.

L'histoire n'a pas d'importance.

Je laisse la poussière bouffer ton image. Celle qui s'était incrustée dans le creux des veines, dans les souffles saccadés. Je laisse la poussière bouffer notre histoire. Les pages abîmées, les mots raturés, les phrases défigurées. Et toutes les illusions que tu m'as fait avalé. L'évanescence de nos âmes intransigeantes, des secrets que l'on a jamais su se dire et de tout cet amour qu'on a jamais su gérer. J'oublie l'usure massacrante, les colères trop violentes. Les maux saignants, qui continuent à nous torturer. La fierté tant de fois criée, qui n'a fait que scarifier d'avantage les plaies déjà ouvertes. J'oublie le temps où tout n'était pas si compliqué, où la vie s'infiltrait dans nos artères pour faire naître le plaisir. J'oublie l'effusion de nos corps jusqu'à l'aurore, tes mots à la saveur du miel, tes promesses au goût du ciel. J'oublie aussi l'infini qu'on s'est juré, les cicatrices gémissantes qu'on s'est laissé en guise d'adieux. J'oublie les sourires et les rires, qui m'ont bercé pour apaiser la peur. J'oublie ce qui fracture mes poumons, la tristesse qui ronge mes os. Tes yeux fatigués et les miens effacés. J'oublie le nous, que l'on a façonné à partir de toi et de moi.

L'histoire n'a plus d'importance.

C'était la fin de l'été. L'explosion de mes psychés, le désir incontrôlable de vouloir m'en aller. La furie de n'avoir jamais été compris. Ce n'était pas que des mots, c'était des sentiments en lambeaux. Des douleurs enfouies dans les tréfonds d'un secret. Des respirations maladroites et la paralysie grandissante. Le son brutal d'une porte qui claque, c'était le jugement d'une fin qui s'est jamais réellement terminée. Personne ne m'a dit ; que c'était difficile d'aimer. Mais tu n'étais pas un amour de passage. Tu n'étais pas les futilités volatiles de ses gosses qui s'amusent à mourir. Tu étais l'âme sœur, l'amour avec un grand A. Les frissons éternels. La dévotion inattendue. On s'est raté de peu, je crois. Il aurait suffit que tu me regardes quand mon cœur était plein d'ivresse, quand la naissance des émotions créait la fusion. Mais c'est uniquement après m'avoir brisé le cœur que tu m'as regardé. Quand j'y pense, c'est très cliché. Rien avoir avec l'originalité des adolescents. Juste la vérité. La simple vérité.

C'est l'éphémère qui s'éteint.

On s'est essoufflé à mourir. À essayer de survivre dans le chaos du passé qui respire toujours, qui reste invincible. J'ai failli croire que tout finirait par s'apaiser. Je l'ai tellement espéré, qu'à force de me mentir, je suis devenu quelqu'un d'autre. Un reflet de l'original, une copie balafrée par les limites et les obligations. Le double s'est étouffé, dans l'idée d'acceptation. Pour le regard des autres et surtout pour le tien. Toute la vie remise en question, les mouvements calculés, le masque porté qui finit par se coller aux traits brisés. Le visage est flou, incompris. Je ne le reconnais plus. Je ne me reconnais plus et je ne sais plus quelle est la direction. C'est la perdition qui m'attache, qui arrache les particules de l'être oublié. Si je me suis évadé, comme un lâche à nouveau, c'est parce que respirer est devenu difficile. La curiosité ne m'intéresse que lorsqu'il s'agit du Néant. Les questions ne crient plus non plus. J'ai juste pris mes affaires comme on prend la liberté. J'ai juste fermé la porte comme on prend la fuite. Parce que je ne suis pas assez fort et que je ne l'ai jamais été. Même pas pour toi.

L'individualisme.

Les mots qui s'étalent et qui s'emmêlent. J'ai perdu l'envie, je crois. D'expliquer et de valoir. L'ignorance finira par dévorer les pensées. L'existence même. Tout n'est qu'une brise. Si l'envie d'essayer autrefois était présente, elle s'est transformée aujourd'hui en échec. L'instinct revient à la base. J'ai besoin d'y voir plus clair. Quitte à détruire les représentations de bonheur. Ce foutu bonheur qui écrase ma cage thoracique jusqu'à la détruire. Je n'ai pas faim du plein, j'ai faim du vide. Faim du rien. Faim du début pour anéantir la fin. S'évader comme un clandestin. Nier, tout nier pour comprendre et retrouver l'illusion d'un passé qui est peut-être toujours mon présent. La suspension de mes mots dirigent vers l'incompréhension. Tout n'est pas clair, la voix se délie en puzzle disloqué. La vérité, c'est que j'ai juste besoin de trouver la sortie de cet enfer. C'est l'amnésie léthargique. Le flingue sur la tempe. La cervelle qui explose sur le bitume. Des désordres personnels, des châtiments inconditionnels. J'en ai plus rien à foutre, en fait.

« Tu es froid, tu es faux et tu t'en fous. »

Sûrement, ouais sûrement. Juste le cliché de la déception.